Balé et Simien, les arches secrètes

novembre 22, 2017
Voyages

Par Franck Charton|Le figaro.fr

LES SANCTUAIRES DE LA NATURE (3/7) – Au nord et sud de l’Abyssinie, les montagnes de deux parcs nationaux combinent grands paysages sauvages et faune unique au monde : le gélada du Simien, et le loup éthiopien du Balé. Immersion dans la Corne de l’Afrique…

C’est une vision digne de la Genèse. Une toile de maître, entre douceur bucolique et furie géologique. La soie verte des forêts de bruyère, enfilée sur le châssis ocre d’une dentelle de falaises. Encore une ultime épingle et se dévoile, en majesté, l’escarpement occidental du Simien: un écheveau de plateaux imbriqués et de pitons taillés à la serpe, toisant des failles cyclopéennes, à perte de vue! Depuis Gondar, première capitale dès 1635 des rois nomades salomoniens (issus de la dynastie du roi Salomon et de la reine de Saba) et centre de l’empire jusqu’au XIXe siècle, il faut une poignée d’heures en voiture sur une excellente route pour se hisser à l’orée de ce merveilleux écosystème perché, classé au patrimoine mondial.
Une ­forêt d’euphorbes géantes, peuplée d’un bestiaire foisonnant : damans, antilopes naines des rochers, vervets et colobes blancs
Si une visite au cœur du parc national s’impose, on peut aussi en profiter pour explorer, en chemin, d’autres curiosités plus confidentielles, mais fascinantes, comme l’ermitage troglodytique de Chugi Maryam: depuis le promontoire de Kossoye, où un charmant lodge «pur jus amharique» a planté ses bungalows au bord de l’à-pic à 2915 mètres, il faut, escorté par un «scout» armé, dégringoler près de 700 mètres sur un sentier aérien, puis traverser une forêt d’euphorbes géantes, peuplée d’un bestiaire foisonnant: damans, antilopes naines des rochers, vervets et colobes blancs. On parvient enfin sur la crête solitaire où a été creusée l’église-monastère de Chugi («lieu de silence»), et où se dressent les huttes d’une douzaine de moines et de méditantes.
Le lieu est balisé, géographiquement et spirituellement, par une arche de pierre naturelle et de l’insolite pic bifide de Zagor amba. Accueil ému par une poignée d’anachorètes timides, les autres préférant se retirer précipitamment dans leurs abris. On pénètre dans l’église en grimpant par une échelle branlante sur une vire plein gaz, puis, par une voûte qui mène à une minuscule porte de bois. On s’y glisse et, avec la fraîcheur soudaine, apparaît une salle de prière dégrossie au burin dans le tuf, tapissée de foin et décorée d’objets liturgiques orthodoxes: cannes et croix éthiopiennes, crécelles, vieux grimoires rédigés en guèze, l’antique langue liturgique… Le dénuement d’une église des origines!
Un jeune prêtre en toge dorée et dreadlocks de rasta sort de l’ombre et invite les visiteurs à lui embrasser la paume de la main, en signe de bénédiction. On s’exécute, un peu troublé. Il explique que ce sanctuaire caché date des années 1630, lorsque le roi Susneyos, converti au catholicisme à l’origine d’une guerre civile, dut abdiquer en faveur de son fils Fasiladas, et se réfugia dans ces montagnes, avec un groupe de fidèles, alors que le pays retournait au culte copte (orthodoxe).
Dans le Simien, l’arche rocheuse de Zagor amba abrite les huttes de quelques ermites près du monastère rupestre de Chugi Maryam. On y accède après 4 à 5 heures de marche à travers champs et forêts d’euphorbes géantes peuplées de singes et de damans des rochers.
Puis il nous demande de le suivre. Nous traversons plusieurs antichambres et nous faufilons, par un trou, dans un passage caché qui mène aux salles inférieures. Dans une crypte, où ruisselle un filet d’eau …

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